Par : Richard BOUDREAULT
Mis à part la montre, le seul investissement à long terme qu’un homme peut faire est une vraie paire de chaussures. Mais au-delà de la chaussure de prêt-à-porter industrielle, même considérée de luxe, telles les Prada, Gucci, Dolce & Gabbana de ce monde, et là je ne parle pas des vulgaires modèles noirs à bout carré avec semelles en caoutchouc des nombreuses de centres commerciaux et grandes enseignes, il y a quelques grandes maisons qui confectionnent la vraie chaussure haut de gamme.
Certains esthètes, qui ont voyagé les grandes capitales de la planète, connaîtront les Church, les John Lobb, les Weston, les Aubercy, sans oublier les très luxueuses Crockett & Jones ou les Edward Green, merveilles créées à Southampton en Angleterre.
Mais ici j’aimerais parler du summum du luxe, l’artisan qui se met à vos pieds pour réaliser une œuvre d’art. La Rolls des chaussures, celle des grands de ce monde.
La chaussure faite main sur mesure pour vos deux pieds de chez Berluti Paris.
Qui entre chez Berluti sait tout de suite qu’il devra sortir sa carte visa platine et allonger les quelque 2 500 euros, au minimum, pour une paire à sa mesure. Ici, tout reflète le luxe, la qualité, la discrétion dans une ambiance feutrée comme on entre dans un club privé où seuls quelques privilégiés ont accès.
Berluti ne fait pas dans la mode. Le style ne se démode pas. « Style is never out »!
Investir dans une paire de chaussures qui sera moulée à nos deux pieds de dimensions inégales dans une peau de cuir qu’on aura choisie, colorée d’une teinte de son choix et patinée à souhait qu’on portera pour le reste de notre vie est un investissement intelligent.
L’expérience Berluti.
La réalisation d’une paire sur mesure prend quelques mois d’interminable attente.
Une première rencontre avec un spécialiste nous explique les étapes, nous montre les choix et nous conseille sur le projet que nous allons mettre en chantier.
C’est l’étape du rêve. Un peu intimidante car ce ne sont que les préliminaires à cette grande histoire d’amour.
Lors de cette rencontre, on trace vos deux pieds sur un grand bristol et on en prend plusieurs mesures. C’est bon pour la fabrication des moules en bois de cèdre de son pied gauche et de son pied droit. Le seul avantage d’être unijambiste est que l’on coupera la facture de moitié.
Ensuite quelques semaines plus tard on retourne dans l’antre de la chaussure de luxe à Paris rue Marbeuf dans le 8ième arrondissement pour l’essayage du modèle fabriqué à nos dimensions dans un cuir neutre standard pour ajustements et corrections.
On glisse nos pieds dans une pantoufle en cuir qui est si confortable qu’on en oublie qu’on les porte. Cette version de chaussure sera refaite au complet dans le cuir de notre choix et montée sur la vraie semelle cousue Good Year et non Blake.
Ce premier prototype de chaussure neutre et banal ferait le grand plaisir de la plupart des hommes de goût.
Quelques semaines, voir mois plus tard, selon la complexité du modèle choisi, on nous contacte pour la livraison et le premier essai. L’excitation est à son comble.
Acheter une voiture de luxe ou une montre ne procure pas ces longues étapes de rêverie, d’attente de voir notre création se matérialiser de vraiment découvrir la teinte qui est faite par un artisan coloriste et qui est différente d’un modèle à l’autre ce qui, contrairement aux voitures et montres, rend notre chaussure unique au monde.
La présentation.
On nous accueille comme si on était une grande pointure du monde diplomatique.
Cohorte de personnel de la maison, au moins 4 personnes à son service, champagne et présentation de l’œuvre. Il faut voir comment le dévoilement de cette merveille se fait.
Je n’ai jamais assisté à un accouchement mis à part celui de ma naissance, mais j’ai l’impression que l’on y porte autant de soin, de délicatesse et de fierté qu’un médecin le fait quand il présente le nouveau-né à la mère.
Cette étape est empreinte d’émotion. La joie, l’émerveillement, l’excitation et l’euphorie s’emparent de nous. Le résultat est plus que spectaculaire. Quel bonheur que de porter à ses pieds le résultat de plusieurs heures de travail, de collaboration d’une dizaine d’artisans et de savoir que l’on chausse une œuvre unique que pour soi.
L’objet est tellement beau que l’on hésite à mettre le pied sur le bitume parsemé de
chewing gum écrasés, merdes de chiens et autres saletés des trottoirs parisiens.
On voudrait marcher éternellement sur la moelleuse moquette de chez Berluti.
On nous rassure, en nous donnant un nouveau rendez-vous pour une ultime étape cruciale: la patine. On reviendra dans quelques semaines après quelques ports et après avoir cassé le cuir à son pied.
De retour chez Berluti, traité maintenant comme un ami de la maison, on laisse son nouveau-né pour une session de patine qui donnera le lustre, le glaçage et l’effet miroir si unique.
Re-re-retour chez Berluti pour récupérer son investissement qui vient de prendre de la valeur avec son fini si spectaculaire. On quitte la maison Berluti pour faire son chemin sur la route du bonheur, seul avec ses chaussures de luxe. Il y a un sentiment de nostalgie qui nous envahit en laissant l’équipe qui a travaillé de longues semaines pour le bonheur de nos pieds.
La beauté c’est que maintenant qu’on a gouté au confort et au plaisir de chausser le summum du summum de la chaussure, on y reviendra. L’avantage avec ce premier investissement et d’avoir ses moules en bois à son nom. Désormais nul besoin de faire 3 ou 4 aller-retour à Paris, quoi que très agréable, on pourra simplement appeler la maison Berluti et commander son modèle, sa couleur, sa patine d’où que l’on se trouve dans le monde et l’on nous livrera le bijou dans son écrin à domicile.
Ensuite faisant partie de la grande et sélective clientèle Berluti, nous serons invités à participer à la session annuelle de glaçage de ses propres chaussures dans un palace Parisien. Les V.I.P viendront de partout dans le monde pour assister à cette Fête Gatsbyesque où l’on patinera notre soulier à la Veuve Cliquot, rien de moins.
Avoir le monde à ses pieds est un sentiment qui procure l’ivresse à chaque pas que l’on fait.
Photo : Modèle Alessandro de BERLUTI